Révision taxonomique : vers trois sous-espèces de panthères des neiges ?
La conclusion de travaux parus jeudi 4 mai 2017 dans la revue Journal of Heredity, publiée par les Presses universitaires d'Oxford, suggère de scinder la population de panthères des neiges ou onces (Panthera uncia) en trois sous-espèces.
Utilisant une technique non invasive fondée sur l’analyse d’excréments, cette étude génétique est présentée comme la première menée à aussi grande échelle sur ce félin asiatique vivant dans des zones montagneuses, parfois inaccessibles, situées entre 600 mètres et près de 6.000 mètres d’altitude, au-delà de la limite de la flore arborescente.
Once dans le parc national de Hemis situé au Ladakh occidental, dans l'État du Jammu-et-Cachemire, au nord de l’Inde (photo Snow Leopard Conservancy/Jammu & Kashmir Wildlife Protection Department).
Les scientifiques ont procédé au génotypage de 33 microsatellites et au séquençage de 683 paires de bases d’ADN mitochondrial chez 70 individus.
Les onces présentent une faible diversité des microsatellites et pratiquement aucune variation de l'ADN mitochondrial. Durant l’Holocène, il y a environ 8.000 ans, l’espèce a connu un goulet d’étranglement lors d’une période de hausse des températures et des précipitations, également caractérisée par une augmentation de l’altitude de la limite des arbres sur le plateau tibétain.
Les multiples analyses effectuées mettent en évidence trois groupes génétiques fondamentaux : un premier au Nord dans l’Altaï, un deuxième au centre dans le noyau constitué de l’Himalaya et du plateau tibétain et un troisième à l’Ouest, dans les monts Tian, le Pamir et les régions de la chaîne transhimalayenne.
Effets de barrière
S’appuyant sur les différences génétiques relevées, les faibles taux de mélange, l’existence avérée de plusieurs populations et leur espacement géographique, les auteurs de ces travaux distinguent donc trois sous-espèces, la septentrionale (P. u. irbis), la centrale (P. u. uncioides) et l’occidentale (P. u. uncia).
Panthère des neiges photographiée en mai 2010 dans le district de Wakhan, à l’est de l’Afghanistan (photo USAID Afghanistan).
Selon les chercheurs, les variations observées correspondent aux effets de barrière inhérents au désert de Gobi – isolant la sous-espèce septentrionale présente en Mongolie – et à la chaîne transhimalayenne séparant la sous-espèce centrale (dont l’aire de répartition couvre le Qinghai, le Tibet, le Bhoutan et le Népal) de la sous-espèce occidentale présente en Inde, au Pakistan, au Tadjikistan et au Kirghizstan.
L’analyse de modèles bayésiens hiérarchiques révèle une subdivision minimale en six unités de gestion – la Mongolie occidentale, la Mongolie méridionale, les monts Tian, le Pamir, le Tibet et la province chinoise du Qinghai – avec une autocorrélation spatiale suggérant un potentiel de connectivité jusqu’à 400 kilomètres grâce à la dispersion d’individus.
« Les fantômes de l’Himalaya »
Pour leurs auteurs, ces travaux jettent les fondements d’une protection globale des sous-espèces de panthères (ou léopards) des neiges et ouvrent la voie à des études génétiques et génomiques plus approfondies.
Cette éventuelle révision taxonomique poserait la question du devenir des plans de conservation ex situ. Ceux-ci seraient-ils toujours pertinents si les trois sous-espèces venaient à être officiellement admises ? A contrario, le maintien d’une population captive potentiellement « hybride » ne se justifierait-il pas pleinement au regard des menaces planant sur l’espèce dans son ensemble ?
Pour l’heure, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) ne reconnaît aucune sous-espèce chez la panthère des neiges, classée « en danger » d’extinction depuis 1986.
Panthère des neiges dans la nouvelle zone « les fantômes de l'Himalaya » du Bioparc de Doué-la-Fontaine, en Anjou (photo Bioparc).
En 1984, l’association américaine des zoos et aquariums (American Zoo and Aquarium Association / AZA) initiait un premier plan pour la survie des espèces (Species Survival Plan / SSP), actuellement géré par le Miller Park Zoo de Bloomington, dans l’Illinois (États-Unis).
Trois ans plus tard, l'association européenne des zoos et aquariums (EAZA) lançait son programme d’élevage en captivité (EEP), confié aujourd’hui à Nordens Ark, établissement zoologique situé à Hunnebostrand, en Suède.
Des initiatives similaires ont vu le jour dans les années 1990 au Japon, en Australie, en Russie puis en Inde.
Près d’une centaine d’établissements zoologiques européens hébergent aujourd’hui des panthères des neiges.
En avril dernier, le Bioparc de Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire) a ouvert une nouvelle installation dédiée aux onces dans la zone « les fantômes de l'Himalaya », officiellement inaugurée jeudi 4 mai 2017.