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Biodiversité, faune & conservation
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4 mars 2021

Les dingos, gardiens de la biodiversité du désert

Selon une étude menée par l'université australienne de Nouvelle-Galles du Sud (UNSW) et parue jeudi 11 février 2021 dans la revue Landscape Ecology, les effets environnementaux de l’absence des dingos dans le paysage sont visibles depuis l'espace.

Ces travaux ont analysé en parallèle des images satellite couvrant une période de 32 ans (1988-2020) et des recherches sur le terrain conduites des deux côtés de la barrière à dingos traversant le désert de Strzelecki. D’après les conclusions de ces recherches, la végétation présente une croissance à long terme plus faible dans les zones sans dingos que dans celles où subsistent ces canidés sauvages.

« Les dingos affectent indirectement la végétation en contrôlant le nombre de kangourous et de petits mammifères », explique le professeur Mike Letnic, coauteur de cet article et professeur au Centre pour la science des écosystèmes (Centre for Ecosystem Science) de l'UNSW. « Lorsque les dingos disparaissent, la population de marsupiaux augmente, avec un risque de surpâturage et des conséquences notable sur l'ensemble de l'écosystème. »

BARRIERE A DINGOS

Longue de 5.320 kilomètres des Darling Downs (Queensland) jusqu'à la péninsule d'Eyre (Australie-Méridionale), la barrière à dingos mesure 1,80 m de haut et s'enfonce 30 cm sous terre. Les poteaux en acier sont espacés de 9 m, tandis qu’une série de portes permet aux véhicules de traverser la clôture (photo Schutz).

Jusqu'à présent, la plupart des recherches sur les dingos ont été menées sur le terrain ou à l’aide de clichés obtenus par des drones. Prenant des images en continu de la région depuis 1988, le programme spatial Landsat d'observation de la Terre à des fins civiles, développé par la NASA (National Aeronautics and Space Administration) à l’initiative de l'Institut des études géologiques américain (United States Geological Survey / USGS), a permis un nouvelle approche à l'échelle du paysage. « Les différences de pression de pâturage de chaque côté de la clôture sont si prononcées qu'elles peuvent être observées depuis l'espace », indique M. Letnic.

Cascade trophique

Les images satellite ont été traitées et disséquées par le Dr. Adrian Fisher, spécialiste de la télédétection à l'UNSW et auteur principal de l'étude. Selon lui, la réaction de la végétation aux précipitations constitue l'une des principales différences entre les secteurs occupés ou non par des dingos. « La végétation ne pousse qu'après les pluies sporadiques tombant dans le désert », explique le Dr Fisher. « Alors que les précipitations ont fait pousser les plantes des deux côtés de la clôture, nous avons constaté que la végétation dans les secteurs sans dingos ne croissait pas autant, ou ne recouvrait pas une superficie aussi importante, que dans les autres endroits. »

DESERT DE STRZELECKI

Une grande partie du désert de Strzelecki bénéficie du statut de réserve régionale. Celle-ci couvre 8.100 km3 en Australie-Méridionale. Une partie de la zone orientale du désert se trouve dans le parc national Sturt, en Nouvelle-Galles du Sud (photo Joy Engelman).

L’élimination des superprédateurs, jouant un rôle crucial dans le maintien de la biodiversité, peut déclencher un effet domino sur l'écosystème concerné, un phénomène appelé cascade trophique. Ainsi l’augmentation des populations de kangourous peut-elle entraîner un surpâturage, lequel amoindrit la végétation et affaiblit la qualité du sol. Or la dégradation du couvert végétal peut menacer la survie de plus petites espèces, comme le pédionome errant ou hémipode à collier (Pedionomus torquatus), un oiseau endémique d'Australie classé depuis 2017 « en danger critique » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Déjà très réduite, la population de ce charadriiforme, victime de l’extension des cultures, du pâturage des prairies naturelles et d’événements climatiques extrêmes, a décliné de plus de 90% au cours de la dernière décennie dans ses principales aires de distribution, le centre-nord de Victoria et la Riverina de Nouvelle-Galles du Sud, une région agricole située dans la partie méridionale de cet État. Le comité scientifique australien des espèces menacées (Threatened Species Scientific Committee / TSSC) ayant estimé le nombre total d'individus matures à moins de 1.000 oiseaux en 2015, les effectifs seraient aujourd’hui compris entre 250 et 999 spécimens adultes.

PEDIONOME ERRANT MALE

Pédionome errant mâle. Uniquereprésentant de la famille des pédionomidés, cet oiseau, mesurant entre 15 et 19 cm, fréquente presque exclusivement les prairies ouvertes humides (photo Patrick_K59).

Les feuilles mortes sous l’œil des satellites

En outre, les changements de la végétation provoqués par la disparition des dingos modifient le paysage désertique en altérant la circulation du vent et les mouvements du sable. « L'élimination des prédateurs situés au sommet de la chaîne alimentaire peut avoir des effets considérables sur les écosystèmes et toucher de très vastes surfaces », relève le Pr. Letnic. « Ces incidences passent souvent inaperçues car les grands prédateurs ont disparu depuis longtemps dans de nombreuses régions. La barrière australienne pour les dingos constitue donc une occasion rare d'observer le rôle indirect d'un superprédateur. »

Traditionnellement, l'imagerie satellite s'intéresse à la photosynthèse de la végétation, c'est-à-dire aux plantes, aux arbres et à l'herbe visiblement verts. Cette fois, les chercheurs ont utilisé un modèle capable de prendre en compte la végétation non verte, comme certains arbustes, les herbes sèches, les brindilles, les branches et les feuilles mortes. « La végétation sans activité de photosynthèse possède un spectre de réflectance différent de celui de la végétation photosynthétique », souligne le Dr Fisher. « En utilisant l'image satellite et un modèle scientifique calibré mis au point par le Joint Remote Sensing Research Program [un programme visant à accroître la capacité de l'Australie à mener des recherches en télédétection pure et appliquée pour mettre en œuvre et évaluer les politiques de gestion environnementale aux échelles locale, étatique et nationale, NDLR], nous avons pu estimer la couverture de végétation non verte, un élément particulièrement important pour l'étude d'un paysage désertique. »

Bien que d'autres facteurs contribuent à différencier  la végétation, comme les régimes de précipitations et l'utilisation des terres, l'imagerie satellite et l'analyse des sites ont clairement montré que les dingos jouaient un rôle essentiel dans ces dissemblances entre les écosystèmes du désert de Strzelecki. « Les dingos ne sont peut-être pas la seule explication, mais d’évidence la principale », assure le Dr. Fisher.

DINGO

La taxonomie du dingo divise les scientifiques (Photo Katjung).

En 2019, une session du groupe des spécialistes des canidés de la Commission de sauvegarde des espèces de l’UICN (IUCN SSC Canid Specialist Group) a considéré que le dingo, comme le chien chanteur de Nouvelle-Guinée, étaient des chiens féraux (Canis familiaris) et devaient être retirés de la Liste rouge établie par l’organisation mondiale. Depuis 2008, le dingo figurait parmi les taxons « vulnérables », c’est-à-dire confrontés à un risque élevé d’extinction à l’état sauvage. En 2014, une étude australienne avait suggéré que le dingo, introduit en Australie entre 3.000 et 5.000 ans avant notre ère, soit érigé au statut d’espèce à part entière et non plus considéré comme une sous-espèce du loup gris (lire http://biofaune.canalblog.com/archives/2014/04/14/29656894.html).

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