Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Biodiversité, faune & conservation
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 709 579
29 janvier 2020

Inde : la Cour suprême valide la réintroduction de guépards africains

Afin d’établir si ces félins peuvent s'adapter à l'environnement du sous-continent, la Cour suprême indienne a autorisé, mardi 28 janvier 2020, une réintroduction expérimentale de guépards originaires d’Afrique. La requête avait été déposée par l'autorité nationale de conservation des tigres (National Tiger Conservation Authority/NTCA), organe statutaire du ministère de l'environnement, des forêts et du changement climatique.

Une première demande avait été rejetée en 2013 au motif qu'aucune étude scientifique ne recommandait alors cette stratégie. En outre, selon un rapport commandé par les juges, l’Inde ne disposait pas d'habitats ayant une densité de proies suffisante pour une telle initiative. En 2018, le gouvernement de l’État du Madhya Pradesh, situé au centre du pays, avait néanmoins demandé à la NTCA de relancer ce projet.

GUEPARD IRANIEN

Arborant une crinière plus saillante sur la nuque et la gorge que ses « cousins » africains, le guépard asiatique se caractérise également par sa queue plus épaisse et la netteté des taches sur son pelage (photo Ehsan Kamali/Tasnim News Agency).

Fort de l’aval de la plus haute juridiction indienne, le gouvernement central doit maintenant identifier les zones susceptibles d’accueillir les relâchés, en particulier au regard de la disponibilité en ressources alimentaires et des risques de conflits avec les habitants.

Parmi différents sites évoqués, un groupe d’experts a déjà relevé le sanctuaire faunique de Palpur-Kuno, dans le district de Sheopur au nord-ouest du Madhya Pradesh, le parc national de Velavadar/Blackbuck couvrant 34 km2 dans le district de Bhavnagar à l’ouest du Gujarat, et le sanctuaire de Tal Chhapar dans le district de Churu,aunord du Rajasthan.

Le coup de grâce de la révolution iranienne

Jadis très répandu – l’empereur moghol Akbar (1542-1605) en ayant possédé jusqu’à un millier, les guépards indiens ont été décimés par la chasse et la perte de leur milieu. Ils ont été officiellement déclarés éteints en 1952, cinq ans après la mort du dernier individu connu.

Dans les années 1970, des négociations ont été menées pour transférer des félins depuis l’Iran tandis que, parallèlement, des mesures étaient adoptées pour accroître les effectifs de gazelles indiennes (Gazella bennettii) et d’antilopes cervicapres (Antilope cervicapra), les proies locales préférées du plus rapide mammifère de la planète. Les négociations ont été interrompues au lendemain de la révolution islamique de 1979.

Des tentatives de clonage ayant ensuite échoué, les partisans de la réintroduction du prédateur ont donc envisagé d’importer des guépards africains, bien que ces derniers appartiennent à des sous-espèces distinctes (*) du guépard asiatique (Acinonyx jubatus venaticus).

L’aire de répartition de cette sous-espèce, classée depuis 1996 « en danger critique » d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), s’étendait jadis de la péninsule arabique et du Proche-Orient à l’Inde en passant par l'Iran, l'Afghanistan et le Pakistan. Plus au nord, elle couvrait le Caucase et l’Asie centrale. Aujourd’hui, le guépard asiatique, dont la population sauvage s’élèverait à une cinquantaine de spécimens contre 200 dans les années 1970, survit uniquement dans quelques régions iraniennes.

LES GUEPARDS DU MAHARAJA SAYAJIRAO GAEKWAD III

Guépards appartenant à Sayajirao Gaekwad III, maharaja de l'État de Baroda de 1875 à 1939. Ce cliché aurait été pris vers 1890 (photo DR).

« Jusqu’à présent, nous trouvions encore des guépards dans trois grandes zones protégées, déclarait fin 2017 Urs Breitenmoser, coprésident du groupe des spécialistes des félins de l’UICN. Aujourd’hui, ces félins ont disparu du parc national de Kavir. Au sud, ils sont désormais trop rares pour se rencontrer et se reproduire. Les seuls signes d’une présence assez importante pour maintenir une population pérenne se trouvent dans le nord de l’Iran, dans l’enceinte du parc national de Khar Turan et dans le refuge pour la faune sauvage de Miandasht. »

Appartenant à la sous-espèce d’Afrique australe, les individus envisagés dans le cadre du programme indien devraient être transférés depuis la Namibie.

Polémique et priorités de sauvegarde

Ce plan suscite toutefois de vives controverses parmi les défenseurs de l’environnement et les scientifiques. Le degré des différences génétiques entre le guépard asiatique et son cousin d’Afrique méridionale divise ainsi les experts. « Implanter des guépards namibiens en Inde équivaudrait à relâcher un lion d’Afrique dans un parc naturel européen, estime en substance Pamela Burger, chercheuse au laboratoire « Génétique des populations et conservation » de l'Université de médecine vétérinaire de Vienne, en Autriche. Ce sera un lion africain vivant en Europe, mais pas un lion européen. » Les guépards asiatiques auraient divergé de leurs congénères du continent africain voici 32 000 à 67 000 ans.

Par ailleurs, pour certains conservationnistes, aucun des lieux (ne dépassant pas 1.000 km2) suggérés pour les réintroductions ne sera assez vaste ou densément peuplé en proies. « Nous sommes incapables de délocaliser les lions du Gir décimés par le virus de la maladie de Carré mais nous voulons réintroduire des guépards avec lesquels nous n'avons aucune expérience », déplore le biologiste Ravi Chellam.

« Caractéristique des priorités mal placées, ce dessein va nuire aux efforts de sauvegarde des espèces en danger déjà présentes en Inde », renchérit Ritwick Dutta, avocat spécialisé dans la protection de la nature et cofondateur, en 2005, de l'Initiative juridique pour la forêt et l'environnement (Legal Initiative for Forest and Environment/LIFE).

GUEPARD DANS LE SUD NAMIBIEN

Guépard marquant son territoire par un jet d’urine dans le sud de la Namibie (photo Joachim Huber).

Déplacer de vulnérables guépards africains au sein de nouveaux milieux favorisera leur viabilité à long terme, soutiennent d’autres écologistes. Créé en 1990 par Laurie Marker, le fonds de conservation du guépard (Cheetah Conservation Fund/CCF), dont le centre de recherche et d’éducation se trouve à Otjiwarongo dans l’est namibien, pourrait sélectionner les félins les plus aptes à la réintroduction en Inde. Ces derniers seraient choisis parmi les animaux ne s’attaquant pas aux troupeaux et les plus méfiants envers les superprédateurs. « Les guépards s’avèrent très adaptables », assure Laurie Marker, assez optimiste sur la réussite d’une éventuelle réintroduction.

Celle-ci débutera uniquement lorsque les habitats potentiels auront été soigneusement évalués, promettent en outre ses partisans, au premier rang desquels figure l'ancien ministre de l'environnement, Jairam Ramesh, ayant lancé ce programme en 2010. « Le mot anglais pour guépard, "cheetah ", vient du terme sanscrit "chitra" signifiant tacheté, a twitté M.Ramesh. Il est le seul mammifère traqué jusqu'à l'extinction dans l'Inde moderne. »

(*) Quatre sous-espèces africaines sont aujourd’hui admises, en l’occurrence celles d'Afrique du Nord-Ouest (Acinonyx jubatus hecki), d'Afrique du Nord-Est ou du Sahara (A. j. soemmeringii), d'Afrique de l'Est (A. j. raineyi) et d’Afrique australe (A. j. jubatus).

Sources principales : Hindustan Times, The Guardian, The Atlantic, UICN.

Publicité
Commentaires
Biodiversité, faune & conservation
  • Espace consacré à la protection animale in situ (milieux d'origine) et ex situ (zoos), aux espèces sauvages comme aux races domestiques menacées, à la sauvegarde de la biodiversité animale et végétale, à la protection de l'environnement.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
« SILENT FOREST» : SAUVER LES OISEAUX CHANTEURS DU SUD-EST ASIATIQUE

BIOFAUNE soutient la campagne « Silent Forest » menée par l’association européenne des zoos et des aquariums (EAZA) avec le concours du groupe de spécialistes des oiseaux chanteurs d'Asie du Sud-Est de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), de l'ONG de surveillance du commerce de la faune et de la flore TRAFFIC et de l’alliance BirdLife International rassemblant plus de 110 associations nationales.

Chaque année, des milliers d’oiseaux chanteurs sont vendus illégalement sur les marchés du Sud-Est asiatique, accélérant le déclin de plusieurs espèces déjà menacées d’extinction.

www.silentforest.eu

LOGO CAMPAGNE SILENT FOREST

Archives
Publicité