« 50 idées fausses sur les serpents » : plaidoyer pour les mal-aimés
Cléopâtre n’a pas succombé à la morsure d’un aspic, les serpents ne sont ni froids ni visqueux et ne tètent pas davantage les vaches, les écologistes n’ont jamais largué de vipères par hélicoptère, les alcools d’espèces venimeuses ne possèdent pas la moindre vertu miraculeuse et les cobras ne cachent aucune pierre magique dans leur capuchon. Quant aux serpents de 40 mètres de long, ça n'existe pas, ça n'existe pas…
En dénonçant 50 idées fausses sur les serpents, titre de son nouvel ouvrage publié aux éditions Quæ, l’herpétologue Françoise Serre-Collet « fait la peau » aux rumeurs, superstitions, préjugés et autres croyances erronées dont ont souffert, et sont encore victimes, les fascinants ophidiens.
Didactique et abondamment illustré, ce livre s’adresse à la fois au grand public ignorant tout ou presque de la physiologie comme des mœurs de ces reptiles et aux naturalistes plus avertis. Une gageure réussie par l’auteure, médiatrice scientifique au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN).
Parmi les vérités bonnes à (re)découvrir, Françoise Serre-Collet rappelle par exemple que les serpents appartiennent à la super-classe des tétrapodes regroupant les animaux possédant ou ayant eu des pattes, que 48 mammifères à travers le monde s’alimentent, occasionnallement ou régulièrement, d’ophidiens venimeux ou encore qu’au-delà des frontières de l’Hexagone, les critères d’identification des serpents potentiellement dangereux – la pupille verticale, la queue soudainement rétrécie, les multiples petites écailles sur la tête et les deux ou trois rangées de plaques entre l’œil et la bouche caractérisant les quatre espèces de vipères présentes sur le territoire métropolitain – ne sont plus valides.
Quant au python d’Afrique australe (Python natalensis), il se distingue des autres serpents ovipares par l’attention de la femelle envers sa progéniture après l’éclosion, les soins maternels étant surtout connus chez les vivipares serpents à sonnette. Plus répandu, le cannibalisme est en particulier documenté chez les couleuvres de Montpellier (Malpolon monspessulanus), verte et jaune (Hierophis viridiflavus) et de la Caspienne (Dolichophis caspius), les bongares (Bungarus sp.) et le cobra royal (Ophiophagus hannah). Et si, contrairement à la légende, les vipères dont on coupe la tête trépassent bel et bien, l’action réflexe de ces reptiles les rend capables de mordre encore après leur mort. En 2014, un cuisinier chinois a ainsi succombé à l'attaque d’un cobra cracheur noir et blanc (Naja siamensis) qu’il avait décapité 20 minutes plus tôt.
En France, le nombre de décès provoqués par une morsure de serpent est estimé à 0,3 par an. Ici, une femelle vipère aspic adulte (photo Orchi).
Par ailleurs, les propriétés du venin peuvent subsister longtemps après la disparition de l’animal. Celui, séché, d’un taïpan du désert (Oxyuranus microlepidotus) serait toujours actif un demi-siècle après avoir été prélevé. Durant ce temps, les populations des espèces de serpents étudiées ont subi une véritable hécatombe avec 80 % de pertes en moyenne, souligne en avant-propos le biologiste Xavier Bonnet, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). La majorité des 3.500 taxons vivant sur Terre aurait subi un déclin identique. Comme le relève Allain Bougrain Dubourg dans la préface, les serpents comptant aujourd'hui parmi les espèces les plus affectées par l’érosion de la biodiversité, les sauvegarder revient à protéger l’ensemble du vivant. Ce volume y contribue.
SERRE-COLLET Françoise, 50 idées fausses sur les serpents, Éditions Quæ, février 2019, 144 p., 23 €.