Retour du bison d’Europe en liberté : succès en Allemagne, grands espoirs en Roumanie
« Les croiser constitue toujours un moment magnifique », assure le prince Richard de Sayn Wittgenstein-Berleburg dont la forêt du Sauerland, au sud-est de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, accueille depuis avril 2013 des bisons d’Europe (Bison bonasus bonasus) évoluant en complète liberté.
Un an après le relâcher, le bilan de ce projet unique en Europe occidentale s’avère très positif, ont souligné ses responsables lors d’une conférence de presse tenue mi-mai 2014 au château de Berleburg. Désormais composé de neuf individus –un mâle, six femelles et deux veaux nés à l’état sauvage, le troupeau a passé l’hiver en se nourrissant sur un site large de douze kilomètres dans l’axe est-ouest et de huit kilomètres dans l’axe nord-sud.
Le bison d’Europe est considéré comme vulnérable par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), c’est-à-dire confronté à un risque élevé d’extinction à l’état sauvage. Ici quelques-uns des spécimens vivant en liberté dans l'Ouest de l'Allemagne (photo Tina Scheffler, Wisent-Welt-Wittgenstein).
Pas le moindre incident
Aucune collision avec un véhicule n’a été à déplorer. Les bisons n’ont jamais traversé l’une des trois routes entourant cette zone montagneuse et se sont révélés moins timides que ne le pensaient les spécialistes. Concernant les randonneurs, Coralie Hebst, coordinateur scientifique du projet et biologiste à l'Université de médecine vétérinaire de Hanovre, a rappelé la nécessité d’une distance de sécurité de 40 m et a mis en garde contre les tentatives de nourrissage contre-productives pour le processus de réintroduction.
Grâce à des colliers émetteurs, les scientifiques peuvent notamment étudier les préférences alimentaires des bisons d'Europe à l'état sauvage (photo Wisent-Welt-Wittgenstein).
Selon les responsables du projet, le troupeau ne devrait pas dépasser à terme les 25 têtes. Afin d’éviter toute consanguinité, des transferts d’animaux ont été prévus. Des scientifiques étudient par ailleurs l’impact des bisons sur la faune et la flore locales. Le comportement alimentaire des bovidés est scruté via des émetteurs radio. Les bisons consomment notamment des fourrages dédaignés par les cerfs. Quant aux dommages causés aux jeunes plants et à l’écorce des arbres, ils ont été remboursés aux forestiers durant cette première année par l’entremise d’une assurance privée.
Parmi les loups et les ours
Les leçons tirées du programme allemand permettent d’espérer la renaissance d’une espèce longtemps menacée d’extinction et aujourd’hui encore en sursis. Des scientifiques envisagent ainsi de relâcher des bisons dans le Jura suisse. Et samedi 17 mai 2014, dix-sept bisons, originaires de parcs animaliers suédois (Kolmårdens Djurpark, Avesta Bison Park), allemands (Wisentgehege Springe, Tierpark Hirschfeld, Wisentgehege Scherfede), belge (Réserve d'animaux sauvages de Hans-sur-Lesse), suisse (Tierpark Dählhölzli à Berne), italien (Parco Natura Viva) et roumain (Haţeg Bison Reservation) ont été relâchés dans les monts Tarcu, une zone sauvage du sud des Carpates roumaines d’où ils avaient disparu voici quelque 250 ans.
Grâce au retour du bison, le projet roumain entend développer le tourisme et l’emploi local. Un centre d’accueil sera créé dans la commune d’Armenis et des « safaris bisons » verront bientôt le jour (photo Rewilding Europe).
Le temps de leur acclimatation à la vie sauvage, les animaux évolueront d’abord dans un parc de 15 hectares puis au sein d’une zone d’environ 160 hectares. En septembre prochain, ils seront enfin laissés en totale liberté dans cette région protégée de 59.000 hectares, classée Natura 2000 et abritant notamment des cerfs, des chevreuils, des ours et des loups, ont indiqué le WWF (« Fonds mondial pour la nature ») et la fondation Rewilding Europe, à l’origine de cette opération.
D’ici à 2025, l’objectif est de reconstituer un troupeau d’environ 500 têtes dans l’ensemble des Carpates méridionales, une zone couvrant près d’1,4 million d'hectares de montagnes et de vallées.
Selon les experts, plus de 6.000 ours et quelque 3.000 loups vivraient aujourd'hui dans les montagnes des Carpates d'où le bison avait disparu depuis le 18ème siècle. Le dernier spécimen aurait été abattu en 1762 (photo Rewilding Europe).
Par ailleurs, Rewilding Europe souhaite établir au moins trois nouvelles populations d’au minimum 100 bisons au cœur d’autres sites adaptés à la réintroduction du bison d’Europe dans la nature. En Roumanie, un second projet est ainsi prévu dès 2015 en Transylvanie, près de la commune de Hateg. D’autres programmes concernent le Portugal, l’Italie, la Croatie et la Slovaquie.
En janvier dernier, la population totale de bisons d’Europe comptait 5.046 individus, dont seulement 3.230 vivaient en liberté ou semi-liberté.
Sources : Neue Osnabrücker Zeitung, rewildingeurope.com.