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Biodiversité, faune & conservation
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25 février 2020

L’histoire évolutive du chien : entre mystères et controverses

Que sait-on de la domestication du chien ? Quelle influence a-t-elle eu sur ses transformations au fil des millénaires ?

Afin de retracer l’histoire évolutive ayant conduit de l’apparition des canidés dans la branche des mammifères à la naissance de Canis lupus familiaris, sous-espèce du loup gris, l’émission La Méthode scientifique, diffusée du lundi au vendredi de 16 à 17 heures sur France Culture, a accueilli lundi 13 janvier 2020 Eva-Maria Geigl, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et coresponsable d’une équipe de paléogénomique à l’institut Jacques-Monod de Paris, et Christophe Hitte, ingénieur de recherche au sein de l’institut Génétique et développement de l’Université Rennes 1 (www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/la-methode-scientifique-emission-du-lundi-13-janvier-2020).

La découverte du corps congelé d’un jeune canidé dans le pergélisol durant l’été 2018 par des chasseurs de défenses au nord-est de la ville russe de Yakoutsk, en Sibérie centrale, a mis la communauté scientifique en émoi. Baptisé Dogor (« ami » en yakoute), cet animal – à la fourrure, aux dents et même aux cils intacts – est mort à l’âge de deux mois voici 18.000 ans, ont révélé lundi 25 novembre 2019 les chercheurs du centre de paléogénétique de Stockholm (Suède) ayant effectué une datation par le radiocarbone.

Vivant dans la fourchette estimée de la divergence, à une époque peut-être proche de la distinction des lignées, Dogor pourrait être un loup moderne ou un très jeune chien du Pléistocène tardif, voire témoigner d’un cul-de-sac évolutif.

DOGOR

Découvert par des chasseurs d’ivoire près du fleuve de l’Indiguirka, dans la République de Sakha (ex-Iakoutie), en Sibérie centrale, Dogor a été présenté lundi 2 décembre 2019 au Musée du mammouth, à Iakoutsk (photo Sergey Fedorov / Université fédérale du Nord-Est Ammosov).

Les premières analyses génétiques n’ont pas permis de résoudre cette énigme paléozoologique. L’occasion pour l’archéozoologue et biologiste Jean-Denis Vigne, directeur de recherche au Muséum national d’histoire naturelle de Paris (MNHN), de présenter au micro de France Culture les outils pluridisciplinaires aujourd’hui à la disposition des chercheurs pour mieux cerner les origines et les étapes de la domestication.

S’il est désormais établi que le chien descend bien du loup et non du chacal ou du coyote, de nombreuses interrogations restent en suspens.

Les controverses entre paléontologues, archéozoologues et génomociens sur la date de domestication restent vives, certains la situant vers 14.000 ans, d’autres la faisant remonter à 33.000 ans. Les chercheurs ayant séquencé l’ADN ancien d’un spécimen baptisé loup de Taimyr, vieux de plus de 30.000 ans et ayant une forte proximité avec le loup comme avec le chien modernes, évaluent par exemple aux alentours de 27.000 ans la séparation de ces deux lignées. Au regard des périodes considérées et des marges d’erreur, la possibilité d’une domestication par l'homme de Néandertal reste d’ailleurs ouverte, admet Christophe Hitt.

« Il est très difficile d’établir une date, souligne de son côté Eva-Maria Geig. Cela dépend de la qualité du génome produit et des méthodes statistiques utilisées pour calculer des divergencesLe doute subsiste toujours. Nous avons une idée des dates mais il est impossible actuellement d’être plus précis. »

Une image incomplète               

La question d’une éventuelle double origine géographique de la domestication divise également les scientifiques. Selon un article paru mardi 18 juillet 2017 dans la revue britannique Nature Communications, tous les chiens descendraient d'une même population de loups domestiqués voici 20.000 à 40.000 ans. « Nos données montrent que tous les chiens modernes dispersés à travers le monde ont été domestiqués à partir d'une unique population de loups », notait alors Krishna Veeramah, coauteur de ces travaux et généticien à l'université de Stony Brook à Brookhaven (États-Unis).

Les chercheurs avaient analysé le génome de deux chiens du Néolithique découverts en Allemagne, l'un vieux de 7.000 ans, l'autre de 4.700 ans. Ils avaient aussi examiné les informations fournies par un chien âgé de 5.000 ans retrouvé en Irlande.
L’équipe avait ensuite comparé ces séquences de génomes anciens avec des données génétiques provenant de 6.649 canidés dont des chiens modernes et des loups.

D’après les conclusions de cette étude, chiens et loups ont divergé génétiquement entre 36.900 ans et 41.500 ans, les chiens de l’Est et de l’Ouest se séparant voici 17.500 à 23.900 ans. La phase de domestication aurait eu lieu entre ces deux événements. En outre, le foyer de domestication d’Europe occidentale se serait éteint, la lignée actuelle de chiens domestiques descendant seulement de celle née en Asie.

Ces résultats contredisent notamment l’hypothèse d’une double domestication du chien défendue par une publication de Science en 2016.

PHENOTYPIE DU CHIEN MODERNE

Le chien moderne présente de très importantes variations phénotypiques comme en témoignent ces quatre races (de gauche à droite et de haut en bas) : le komodor, l’airedale, le shiba et le petit basset griffon vendéen (photos Nikki68 / Wesl90 / Havenkennels et Nathan150).

Comparant des séquences génétiques de 59 chiens anciens dont celui d’Irlande, cette dernière en avait déduit que les populations canines orientales et occidentales s’étaient scindées dans une fourchette comprise entre 6.400 et 14.000 ans. Cet événement étant survenu des milliers d’années après la première apparition du chien connue en Europe et en Asie de l’Est, les auteurs avaient suggéré que le processus de domestication s’était produit à peu près simultanément.

Face à la controverse pour établir où et quand le meilleur ami de l’homme est apparu, « de l’ADN supplémentaire issu du génome d’autres chiens anciens pourrait résoudre définitivement le problème », avait jugé M. Veeramah. « Si nous pouvions obtenir de nouveaux échantillons provenant des quatre coins du monde, cela nous fournirait une image plus complète sur l’histoire des populations de chiens et, probablement, sur leur origine », précisait Adam Boyko, généticien à l’université Cornell dans l’État de New York. « Cependant, nous avons besoin d’échantillons variés, non seulement géographiquement mais aussi dans le temps. »

« Ces deux études incluent certains auteurs communs, souligne Mme Geigl. C’est la science ! On avance, on peut se contredire ! On émet des hypothèses puis on les teste avec les outils à notre disposition. Ces derniers évoluant, on pratique alors de nouveaux tests et on obtient des résultats différents. » « L’abondance d’échantillons nous permettra de synthétiser et d’obtenir des réponses plus consensuelles », assure Christophe Hitte. Les futures analyses génétiques de Dogor permettront peut-être de lever un nouveau coin du voile sur le mystère des origines du chien.

Introgression et plasticité génomique

L’émission aborde également le sujet de l’hétérochonie – la modification de la durée et de la vitesse du développement d’un organisme par rapport à celles de ses ancêtres, en l’occurrence l’extrême rapidité de la variabilité phénotypique à partir d’un patrimoine génétique commun – chez Canis lupus familiaris. « Le chien a été domestiqué très tôt, bien longtemps avant le cheval, la chèvre ou le mouton, rappelle M. Hitte. Les pressions de sélection sont donc très anciennes. Ensuite, le processus de domestication s’avère extrêmement complexe avec des phénomènes d’introgression durant 15.000 ou 20.000 ans et une grande diversité génétique issue de diverses sous-espèces de loups. La sélection purement humaine des chiens moderne remonte, elle, à ces derniers siècles. »

« Dès l’Antiquité, le chien occupe de nombreuses fonctions pour la garde, la chasse ou la guerre. Au Moyen Âge, des variétés de chiens de chasse ont été sélectionnées pour leurs aptitudes et leurs techniques, comme les retrievers, les chiens d’arrêt, les braques ou les limiers. La fixation des caractères s’est produite assez récemment, à partir des XVème et XVIème siècles. Cette notion de standard aboutissant aux races actuelles s’affinera au XIXème siècle avec l’essor de la cynophilie dans les années 1860. Et aujourd’hui le chien est passé d’un emploi purement utilitaire à un registre affectif. »

DOGUE DE FORTE RACE

« Le dogue de forte race », illustration de Jacques de Sève (actif de 1742 à 1788) publiée dans L’Histoire naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du Roy de Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788).

Composée de 99 pays membres et partenaires, la Fédération cynologique internationale (FCI) reconnaît actuellement 349 races de chiens repartis au sein de dix grands groupes (*).

D’après des travaux conduits par des chercheurs des universités de Princeton et d’Oregon (États-Unis) et publiés mercredi 19 juillet 2017 dans le journal Science Advances, des variations de deux gènes (GTF2I et GTF2IRD1) expliqueraient la grande sociabilité des chiens, davantage que la socialisation acquise au contact des humains. Ces investigations ont toutefois porté sur un nombre très restreint d’individus.

Enfin, la plasticité du génome a permis de créer des chiens morphologiquement très éloignés mais « elle n’a pas encore été bien comprise fondamentalement », conclut Christophe Hitte.

L’histoire du meilleur ami de l’homme recèle bien des mystères.

(*) Groupe 1 : chiens de berger et de bouvier (sauf chiens de bouvier suisses),
groupe 2 : chiens de type pinscher et schnauzer - molossoïdes - chiens de montagne et de bouvier suisses et autres races,
groupe 3 : terriers,
groupe 4 : teckels,
groupe 5 : chiens de type spitz et de type primitif,
groupe 6 : chiens courants, chiens de recherche au sang et races apparentées,
groupe 7 : chiens d’arrêt,
groupe 8 : chiens rapporteurs de gibier - chiens leveurs de gibier - chiens d’eau,
groupe 9 : chiens d’agrément et de compagnie,
et groupe 10 : lévriers.

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