Les ours bruns de retour dans l’enclos patrimonial de Lubetkin au zoo de Dudley (GB)
Conçu par l’architecte Berthold Lubetkin (14 décembre 1901 - 23 octobre 1990), figure majeure du modernisme en Grande-Bretagne, le « Brown Bear Ravine » du zoo anglais de Dudley devrait de nouveau abriter des ours bruns européens (Ursus arctos arctos) au printemps 2020, a annoncé jeudi 8 janvier 2019 le parc anglais, évoquant l’aboutissement d’un programme de 250.000 £ (près de 280.000 euros).
Curateur de l’établissement situé dans le comté métropolitain des Midlands de l'Ouest, Richard Brow négocie actuellement le transfert de trois ou quatre individus avec le jardin zoologique de Bojnice (Slovaquie) afin de constituer un groupe reproducteur. L’établissement d’Europe centrale recueille notamment de jeunes orphelins issus du milieu naturel.
(Photo Dudley Zoo)
En 2018, les visiteurs ayant fait un don au zoo, géré depuis 1978 par une association à but non lucratif (la Dudley & West Midlands Zoological Society Limited), ont été appelés à désigner le projet de leur choix parmi ceux relatifs aux ours bruns, à l’extension de l'espace des tigres et au réaménagement des installations des chimpanzés (afin d’intégrer des mâles au groupe de femelles) ou des orangs-outans de Bornéo.
En décembre dernier, la suggestion du retour des plantigrades – absents du zoo de Dudley depuis les années 1980 – dans leur installation historique a finalement été retenue.
Monument classé
Construit entre 1935 et 1937, le « Brown Bear Ravine » a bénéficié en 2015 d’une restauration financée par l’Heritage Lottery Fund, établissement public fondé en 1994 par le gouvernement britannique pour soutenir des initiatives concernant le patrimoine local, régional ou national. Le site avait alors été retiré de la liste des bâtiments en péril où il figurait depuis 2009 tandis que des travaux d'asphaltage avaient permis de rouvrir les lieux au public.
La future enceinte des ours bruns devrait intégrer une partie de la structure dessinée par Berthold Lubetkin et inclure un périmètre boisé se trouvant à l’arrière, sur la pente de la colline surplombée par les ruines du château fort en partie détruit en 1646, sur ordre du Parlement, lors de la Première guerre civile anglaise. « Les animaux auront ainsi accès à des arbres matures et nous leur offrirons une paroi à escalader », assure Richard Brow, par ailleurs coordinateur du programme d’élevage européen en captivité (EEP) du lémur noir (Eulemur macaco).
Les anciennes étant obsolètes, de nouvelles loges seront construites en dehors du monument classé (« listed building »), comme toutes les autres réalisations de Lubetkin au zoo de Dudley, au grade II attribué en Angleterre aux « édifices particulièrement importants ou d'un intérêt spécial ».
L’entrée du zoo de Dudley en 2011 (photo Tony Hisgett).
Changements d’affection
Né à Tbilissi en Géorgie, Berthold Lubetkin émigra outre-Manche à l’âge de trente ans et très vite, en 1932, fonda à Londres l’atelier collectif Tecton (« Tecton Group »). Parmi ses premières commandes, celui-ci signa pour le zoo de la capitale britannique la maison des gorilles (« The Round House » / 1933) et la piscine des manchots (« Penguin pool » / 1934) avant d’imaginer la maison des éléphants (« The Elephant House ») du Whipsnade Wild Animal Park en 1935. Cette année-là, grâce à l’entremise du Dr. Geoffrey Vevers (20 septembre 1890 - 9 janvier 1970), superintendant de la Société zoologique de Londres (ZSL) et conseiller pour la création du zoo de Dudley, le cabinet obtint la commission pour treize bâtiments (*) du futur parc, le budget de l’ensemble des travaux devant s’étaler sur deux ans ayant été fixé à environ 40.000 livres sterling. Secondé par l’ingénieur Ove Arup (16 avril 1895 - 5 février 1988), Lubetkin décrivait son rôle comme celui d’un concepteur de décors architecturaux permettant de présenter les animaux de façon spectaculaire, « dans une atmosphère comparable à celle d'un cirque ». Autres temps, autres mœurs…
Plusieurs pavillons ont changé d’affectation depuis l'ouverture du zoo, le 6 mai 1937, en particulier ceux des reptiles, des ours bruns et blancs, des oiseaux tropicaux et des éléphants (voir ci-dessous). Proposant des cigarettes et des confiseries, les deux kiosques ont été désaffectés, ne répondant plus aux normes de santé environnementale en vigueur pour la vente de produits alimentaires.
La maison des oiseaux tropicaux, ici en 2011, devait accueillir en 2017 des petites espèces sud-américaines mais sa rénovation a été reportée sine die (photo Tony Hisgett).
L’emploi du béton armé a engendré des problèmes de rouille et d'écaillage des surfaces, nécessitant des réparations, notamment des « rapiéçages » et la pose d’enduits colorés.Dans le bassin des manchots, plus petit que celui du zoo de Londres, l’eau salée a oxydé les armatures métalliques, provoquant une corrosion massive. La structure a finalement été démolie en 1979.
(*) « The Entrance Gateway » (l’entrée du zoo) / « The Station Café » (transformé depuis en boutique) / « The Moat Café » (converti en centre éducatif) / « The Polar Bear Pit and Big Cat Ravines » (où vit aujourd’hui Inca, la doyenne européenne des ours à collier) / « The Sea Lion pools » / « The Tropical Bird House » (pour l’heure fermée) / « The Elephant House » (n’hébergeant plus de pachydermes asiatiques depuis 2003) / « The Reptiliary » (devenu l’installation des suricates) / « The Castle Restaurant » (rebaptisé « Queen Mary Restaurant ») , « The Brown Bear Ravine », « The Kiosks 1 and 2 » (inutilisés), « the Penguin Pool » (détruite en 1979).
Propriété du groupe Scotia Leisure de 1970 à sa mise sous séquestre en 1977, le zoo de Dudley reçut le 21 mai 1971 une orque mâle, capturée le 15 octobre 1968 au large de l’État américain de Washington. Baptisé Cuddles, cet épaulard avait rejoint en novembre 1968 à Flamingo Land, un établissement animalier du Yorkshire appartenant également à Scotia Leisure, où il cohabitait, de façon parfois houleuse, avec les dauphins. Dans les Midlands, la première orque captive en Grande-Bretagne (et la deuxième en Europe) fut installée dans le bassin des otaries aménagé par Lubetkin dans les douves du château et modifié pour la circonstance. Cette transformation contrevenant aux lois locales d'urbanisme, le zoo reçut l’injonction de remettre l’installation dans son état d’origine. Les propriétaires ne voulant pas investir dans un nouveau bassin, la « baleine tueuse » fut mise en vente et un accord trouvé, pour 11.000 £ avec un parc marin français. Mais Cuddles, victime d’un abcès bactérien consécutif à la fracture d’une côte, est mort le 6 février 1974 avant son transfert dans l’Hexagone (photo DR).