Paul Nicklen : un autre regard sur les ours
Le choc des images, le poids des mots. Ainsi détourné, le slogan épouse l’objectif de l’ouvrage du biologiste et photographe animalier canadien Paul Nicklen, Ours Esprits de la nature, paru aux éditions Delachaux et Niestlé cet automne. À travers ses somptueux clichés, fruits d’une proximité rare avec ses sujets, ses écrits et les textes de plusieurs contributeurs – dont le cinéaste Werner Herzog, le spécialiste du monde polaire offre un portait littéralement enchanteur des ours peuplant le nord de l’Amérique et l’archipel norvégien du Svalbard.
Réfutant le portrait dressé par certains médias de l’animal mangeur d’homme, Paul Nicklen a décidé de consacrer sa vie et son talent à la cause des ces plantigrades dont le destin est étroitement lié au nôtre, comme l’ont compris les peuples indigènes unis à l’ours par une relation spirituelle.
« Les problèmes des ours sont les nôtres. Lorsque les ours perdent leur habitat, nous aussi… Je tiens à ce que mes images constituent la bannière de l’espoir et soient les ambassadrices d’un monde que très peu de nous pourront voir. »
Ce livre se veut ainsi un plaidoyer pour les écosystèmes où vivent l’ours blanc (Ursus maritimus), le grizzly (Ursus arctos horribilis), l’ours noir (Ursus americanus) et l’« ours esprit » ou kermode (U. a. kermodei). Endémique de la forêt pluviale du Grand Ours sur la côte de la Colombie-Britannique (Canada), cette sous-espèce - dont une partie de la population arbore une fourrure blanche liée à une mutation génétique appelée leucisme - entretient par exemple une étroite relation avec un milieu océanique aujourd’hui menacé par les projets de l’industrie pétrolière.
Destins imbriqués
Un « ours esprit » traversant une rivière à quelques dizaines de centimètres du photographe, un saumon rose dans la gueule, les eaux d’un bleu profond d’un lac du parc territorial de Tombstone dans le Yukon, un ours noir dévorant des herbes grasses ou la rencontre d’une ourse polaire et d’un grand mâle sur la banquise de la mer de Barents… Suscitant l’émotion et invitant au voyage dans ces mondes dont l’ours est le symbole, les photos de Paul Nicklen, lauréat de nombreuses distinctions internationales et récemment primé au BBC Wildlife Photgrapher of the Year, témoignent des changements climatiques affectant le Grand Nord et du respect du à ces prédateurs et à leur territoire.
L’homme doit désormais assumer la responsabilité des dernières étendues sauvages et de leurs hôtes afin que notre espèce puisse encore cohabiter avec l’ours, même si comme le souligne le guide naturaliste Phil Timpany, certains d’entre nous peuvent parfois souffrir, voire mourir, à cause du plantigrade. Réapprendre une culture de la tolérance est ici la clef. « Tuer un grizzly n’apportera jamais rien de bon. »
NICKLEN PAUL, Ours Esprits de la nature, Delachaux et Niestlé, octobre 2015, 208 p., 29,90 €.