« Mémoires » d’Allain Bougrain Dubourg : animalement vôtre !
Au fil des pages, le mémorialiste laisse la place au militant, les souvenirs à l’indignation et à la colère, la satisfaction des succès obtenus à l’inquiétude devant l’inertie des pouvoirs publics ou la trop lente évolution de nos comportements. Dans ses mémoires récemment publiées aux éditions de La Martinière, Allain Bougrain Dubourg reste fidèle au conseil prodigué sur son lit de mort par Théodore Monod (1902-2000) et choisi pour titre de ce livre : « Il faut continuer de marcher ».
Le journaliste - dont les émissions Terre des bêtes, Entre chien et loup ou Animalia ont marqué le petit écran - évoque ses premières découvertes naturalistes lors de ses années de pensionnat sous la houlette de François Chanudet (1920-2003), taxidermiste au muséum d'histoire naturelle de La Rochelle. L’interne à la scolarité médiocre crée alors un « club des jeunes amis des animaux » en Charente-Maritime, inspiré par celui fondé par Jean-Paul Steiger (1943-2011) en banlieue parisienne.
Quelques années plus tard, remonté à Paris et lauréat en 1969 de la Fondation Marcel-Bleustein-Blanchet pour la vocation, Allain Bougrain Dubourg tente de faire mieux connaître ces mal-aimés que sont rapaces et reptiles. Durant six ans, il sillonne la France avec une exposition itinérante baptisée « Le Pavillon de la nature » dont l’histoire s’achève dans le doute. Malgré le bien-fondé pédagogique de son entreprise, le jeune homme n’admet plus les conditions de captivité de ses pensionnaires.
À passé ouvert
Avec honnêteté, Allain Bougrain Dubourg revient d’ailleurs sur ses tâtonnements de jeunesse, sa « ménagerie » personnelle, ses rapports équivoques avec certains marchands d’animaux ou ses rêves, vite échaudés, d’entrer dans la cage aux fauves… Plus étonnant encore, l’auteur révèle avoir, à l’adolescence, appuyé sur la gâchette pour ramener quelques spécimens à naturaliser. Une franchise dont malheureusement ne peuvent se prévaloir certain(e)s dirigeant(e)s politiques comme le constate, exemples à l’appui, l’actuel président de la Ligue de protection des oiseaux (LPO).
Même s’il avoue volontiers avoir eu l’estomac noué lors de l’opération contre l’importateur Tropicanim menée en direct sur Europe 1 ou à l’heure de dénoncer à de multiples reprises la chasse illégale des tourterelles des bois dans le Médoc, Allain Bougrain Dubourg a toujours démontré un courage singulier, sur le terrain, dans les débats publics ou au cœur des salons feutré du Conseil économique et social.
(Photo © Michel Pourny)
Chapitre après chapitre, Allain Bougrain Dubourg rend hommage à celles et ceux qui ont partagé sa passion et ses luttes et/ou lui ont permis de s’adresser au grand public : quelques-unes des femmes de sa vie, dont bien sûr Brigitte Bardot, rencontrée au cours d’une escale improbable lors de leur combat commun contre le massacre des blanchons au Canada, des scientifiques – tels le biologiste et académicien Jean Rostand (1894-1977), l’explorateur polaire Paul-Émile Victor (1907-1995) ou le médecin Alain Bombard (1924-2005), l’ancien préfet Jacques Gérault ou encore des hommes de télévision, à l’image de François de La Grange (1920-1976), Louis-Roland Neil, Armand Jammot (1922-1998), Michel Drucker ou Jean-Pierre Spiero (1937-2012). Témoigner grâce à la caméra, au micro ou par la plume s’avère essentiel aux yeux de cet adepte d’un journalisme engagé estimant que « la puissance de l’opinion publique reste le seul levier pour espérer une relation apaisée avec l’animal ».
Refuser l’indifférence
Contrairement à la caricature véhiculée par certains extrémistes, Allain Bougrain Dubourg refuse tout manichéisme comme en atteste son attachement aux « équilibres durables » ou sa position, critique mais nuancée, sur les parcs zoologiques. Sans omettre ses moments de lassitude ou les échecs passés au goût amer, Allain Bougrain Dubourg redevient vite pugnace en abordant ses luttes du moment - la création d’un centre de soins et de transit pour les animaux saisis par les douanes notamment - et préfère regarder vers demain et les espoirs suscités par la prochaine conférence de Paris sur le climat (COP21).
« Ce qui compte, c'est de faire ce que nous estimons juste de faire, aujourd'hui, dans l'action présente. Ensuite, les gens choisissent d'écouter ou pas », déclarait Paul Watson, fondateur de Sea Sheperd, dans une interview accordée en août 2015 à l’hebdomadaire Télérama. Ces propos font étonnement écho au credo d’Allain Bougrain Dubourg pour lequel « le fruit de l’engagement compte finalement moins que les résultats ».
« Plus que l’espoir d’une légitime victoire, c’est l’action qui m’anime. Agir. Ne pas rester indifférent. »
BOUGRAIN DUBOURG ALLAIN, Il faut continuer de marcher. Mémoires, Éditions de la Martinière, octobre 2015, 448 p., 20,90 €.