« Cétacés du monde » : un précis scientifique de toutes les espèces connues
Baleines, dauphins, marsouins… Tout le monde croit les connaître. Pourtant, rares sont ceux qui savent précisément quelles espèces de mysticètes - le sous-ordre des cétacés à fanons - et d’odontocètes - ceux à dents - se cachent derrière ces noms génériques si familiers. Publié aux éditions Quae, Cétacés du monde de Jean-Pierre Sylvestre relève tout à la fois du guide pratique permettant l’identification sur le terrain et du traité de vulgarisation scientifique. Du statut des populations aux caractéristiques biologiques des individus en passant par les dernières révisions taxonomiques, l’ouvrage présente par le détail les 87 espèces de cétacés actuellement (re)connues. Reporter-photographe et journaliste scientifique, son auteur réussit la gageure de s’adresser tout à la fois au grand public et à un lectorat plus pointu, soucieux de rigueur et de précision. Outre les dessins en noir et blanc avec vues latérale et dorsale illustrant chaque espèce, des planches photographiques complètent près de la moitié des présentations.
Des mammifères souvent mystérieux
À l’heure où des chercheurs japonais tentent encore et toujours de justifier la chasse prétendument « scientifique » de la baleine, ce livre très documenté permet aussi de découvrir nos lacunes concernant l’état réel de conservation d’un grand nombre de cétacés. Ainsi, une espèce sur deux entre dans la catégorie « Données insuffisantes » de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Faute d’informations, il s’avère impossible d’évaluer directement ou indirectement le risque d’extinction planant sur ces animaux.
Dauphins à flancs blancs sabliers dans le détroit de Drake, séparant le cap Horn des îles Shetland du Sud. Également appelé lagénorhynque sablier ou lagénorhynque de Wilson, ce cétacé est l’un des odontocètes les moins connus à cause de son aire de répartition éloignée des grandes routes maritimes (photo Lomvi2).
Par ailleurs, la systématique reste confuse chez certains cétacés, même parmi les plus connus comme l’orque (Orcinus orca), dont les quatre écotypes sont susceptibles d’être considérés dans l’avenir comme des (sous-)espèces différentes. La reproduction et la longévité s’avèrent également peu documentées chez différentes espèces comme le cachalot nain (Kogia sima), le rorqual d’Omura (Balaenoptera omurai), la sotalie de Guyane (Sotalia guianensis) ou encore le dauphin à bosse de l’Atlantique (Sousa teuszii). Et il en va de même du comportement de bien des cétacés, parmi lesquels le rorqual à museau pointu nain – une espère non nommée actuellement, la baleine à bec de Gervais (Mesoplodon europaeus), le tasmacète de Sheperd (Tasmacetus shepherdi), le dauphin à flancs blancs sablier (Lagenorhynchus cruciger), l’orcelle australienne (Orcaella heinsohni)…
Quand les cétacés s’hybrident
Par ailleurs, l’ouvrage mentionne les hybridations relevées en milieu naturel comme en captivité, à l’instar par exemple du marsouin commun (Phocoena phocoena) avec le marsouin de Dall (Phocoenoides dalli) ou probablement du narval (Monodon monoceros) avec le béluga (Delphinapterus leucas). Quant au grand dauphin (Tursiops truncatus), hormis trois cas avérés en Irlande avec le dauphin de Risso (Grampus griseus), toutes les hybridations concernent des spécimens captifs avec, là encore, le dauphin de Risso, les dauphins communs à bec court et à bec long (Delphinus delphis et Delphinus capensis), le globicéphal tropical (Globicephala macrorhynchus), la fausse orque (Pseudorca crassidens), le sténo (Steno bredanensis), le grand dauphin de l’Indo-Pacifique (Tursiops aduncus), le lagénorhynque du Pacifique(Lagenorhynchus obliquidens) et un hybride entre grand dauphin et fausse orque (Tursiops x Pseudorca). Certains chercheurs évoquent aussi de possibles hybridations dans la nature avec le dauphin tacheté de l'Atlantique (Stenella frontalis).
La dent gauche des narvals mâles peut atteindre jusqu’à 2,7 mètres de long (photo National Institute of Standards and Technology, Glenn Williams).
État des lieux du savoir actuel sur les cétacés, ce guide permet non seulement de mieux connaître ces mammifères marins mais invite aussi au voyage en donnant une furieuse envie de les découvrir dans leur milieu naturel.
SYLVESTRE Jean-Pierre, Cétacés du monde. Systématique, éthologie, biologie, écologie, statut, Quae éditions, juin 2014, 320 p., 49,50 €.