Inquiétudes pour l’avenir du serow de Sumatra
Dans un rapport publié cet automne, des chercheurs de TRAFFIC - réseau de surveillance du commerce de la faune et de la flore sauvages - avouent leur inquiétude pour l’avenir du serow - ou saro - de Sumatra (Capricornis sumatraensis) en Malaise péninsulaire. « Bien que juridiquement protégée, l’espèce est victime d’un braconnage généralisé et du commerce illégal » relève ce document intitulé Observations of Illegal Trade in Sumatran Serows in Malaysia. « Peu de gens connaissent vraiment les serows ou sont même au courant de leur existence », assurent le Dr Chris R. Shepherd, directeur de TRAFFIC pour l’Asie du Sud-Est et le scientifique Kanitha Krishnasamy. « Cet animal remarquable ne préoccupe guère les chercheurs ou les organisations de conservation de la nature. »
Serow en captivité en décembre 2007 au zoo de Dusit à Bangkok en Thaïlande (photo Melanochromis).
Une seule espèce péninsulaire
Parmi les six espèces de serows, une seule vit dans le sud de la Thaïlande, à Sumatra (Indonésie) et en Malaise péninsulaire. Présents dans toute la péninsule, les serows semblent être concentrés principalement dans le nord, en particulier dans les États de Kelantan, Perlis et Perak où se trouvent de petits noyaux de populations isolées. Le serow de Sumatra évolue principalement au cœur d’abruptes forêts montagneuses, sur des collines calcaires ou des crêtes quartziques. Bien que difficile d’accès, cet habitat ne protège pas ces caprins des braconniers.
Selon une enquête de 2012, le serow est l’une des espèces totalement protégées dont la viande est le plus souvent proposée au menu des restaurants locaux. Sur 165 établissements interrogés, 18 servaient de la viande de serow ! Par ailleurs, les saisies de pièces de serows destinées à la médecine traditionnelle laissent supposer que la chasse illégale demeure une pratique courante et ciblée. En outre, les serows sont également victimes des pièges visant à tuer indifféremment un large éventail d'espèces. Enfin, ils souffrent de la fragmentation et de la destruction de leur habitat à cause des carrières de calcaire, de l’exploitation forestière ou du développement des plantations.
Dès 1936, le Klang Gates Quartz Ridge, une crête rocheuse quartzique qui s’étend sur près 22 km au nord-est de Kuala Lumpur, a été classé comme sanctuaire pour notamment protéger les serows. Ici, le sommet du Bukit Tabur (photo Frankhafis).
Protection toute théorique
Pourtant, le serow est totalement protégé par la loi sur la conservation de la faune adoptée en 2010. Son braconnage est puni par des amendes comprises entre 100.000 et 500.000 ringgits (ou dollars malaisiens) soit entre 23.500 et 117.000 euros ! L’amende minimale atteint 200.000 RM (46.800 €) si l'infraction concerne un serow femelle et 150.000 RM (35.000 €) pour un juvénile. Les peines de prison peuvent s’élever jusqu'à cinq ans. Par ailleurs, le serow ne peut pas être commercialisé au niveau international car inscrit à l'Annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction ( Convention de Washington). Là encore, les peines théoriques sont lourdes avec des amendes comprises entre 200.000 et 1 million de ringgits (entre 46.800 et 234.000 €) et sept ans d’emprisonnement maximum.
Pour autant, les cas de poursuite sont rares et le Département de la faune et des parcs nationaux (Perhilitan) a enregistré seulement dix confiscations de pièces de serows durant la décennie 2003-2012 et seulement cinq condamnations !
Serow en captivité en 2006 (photo LigerCommon).
Les chercheurs affirment que les rapports relatifs au braconnage du serow restent méconnus et rarement mis à la disposition du public. Ils exhortent donc Perhilitan à intensifier la surveillance des restaurants vendant de la viande sauvage, des guérisseurs et des boutiques de médecine traditionnelle. À des fins de dissuasion, ils demandent également à la justice d'imposer les peines maximales aux délinquants.
Après avoir été classé « en danger » de 1986 à 1996, le serow de Sumatra est aujourd’hui considéré comme « vulnérable » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), c’est-à-dire confronté à un risque élevé d’extinction à l’état sauvage.
Aucun parc animalier européen n’héberge actuellement cette espèce.
Source : The Star.